LES TUAMOTU: L’archipel sauvage

Hugo est arrivé dans le foyer de Clémentine & Corentin le 7 juin, emplissant de joie toute la famille. Valentin est un super grand frère, très attentionné.  Je repars retrouver Alain, heureuse de tous ces beaux instants de vie…

Après 37 heures de voyage -c’est loin de Lyon, la Polynésie…- je rejoins le bord de Gaïa, dans l’atoll de Rangiroa. Je découvre les Tuamotu à bord du petit avion pris à Papeete. Voir un atoll du ciel est absolument magique : une couronne de terre qui arrête l’océan, son lagon calme et aux dégradés de bleus… ! Et dire que c’est ça notre terrain de jeu …

Je fais connaissance avec Mathieu et Céline, les équipiers –très sympas- de Gaia depuis le 3 juin : ils repartent demain vers de nouvelles aventures.

Avant la pluie… à Rangiroa – à côté de la passe Tiputa

Il y a beaucoup de vent,  des grains, le bateau tangue beaucoup au mouillage. Pas géniale, c’te météo et cela dure depuis plusieurs jours… Ca va s’améliorer, non ? ‘La suite prouva le contraire’ comme le dit Brassens. Allons-y pour parler du rôle de la météo en bateau, de son impact sur l’itinéraire, sur le moral des troupes, sur les activités à bord et hors bord…

A l’heure où j’écris, le vent/ les grains se succèdent depuis mon retour, le 17 juin. C’est parfois ‘fiu’ comme on dit ici : c’est lassant, c’est fatiguant, c’est agaçant, selon les situations.
Mais, c’est aussi l’occasion d’expérimenter un autre rapport au temps, aux choses. Bel exercice pour moi… Par exemple : le 19 juin, on quitte Rangiroa en direction d’Apataki. Au moment de prendre mon quart à minuit, Alain me dit : ‘changement de programme, le vent refuse, il pleut non-stop, on ne va plus à Apataki, on va à Toau’. Va pour Toau alors… On se donc retrouve à Toau au petit matin, dans l’anse Amyot, qui se révèle être une très belle surprise : c’est un mouillage bien abrité , avec des patates de corail splendides, des poissons très très gros et en nombre impressionnant, l’accueil joyeux de Valentine et Gaston dans leur petit snack sur la plage, les rencontres avec les autres voileux. Tout super donc, sauf… la météo, très capricieuse : pluie/vent/soleil/pluie/vent…

Alors, on fait quoi, quand on est ‘bloqué’ pendant 24h de pluie non-stop dans notre 17 m² ?
– On bricole : Alain scanne le bateau chaque matin et repère tout le petit entretien qui ne manque pas : vérifier/recoudre/réparer/nettoyer…
– On bouquine : des romans, des essais comme par exemple, ‘L’entraide, l’autre loi de la jungle’ –très bien-, des bouquins sur la Polynésie prêtés par JC et c’est passionnant de découvrir aussi de cette manière une culture.
– On regarde des films – Encore merci à Jean de nous avoir passé un disque dur avec plein de films récents. Cela a été très apprécié lors des 24h de pluie non-stop à l’anse Amyot !
– On fait la sieste, on cuisine –filets de poisson, crêpes ! – , on coud une housse de coussin, on regarde le paysage qui tourne autour de nous.
– On fait des apéros, des coinches, avec nos voisins: et il y en a, car tous les voileux viennent se ‘réfugier’ dans les mouillages les plus abrités, qui ne sont pas nombreux dans les atolls. Et puis, le bateau, dans ces coins là c’est un formidable vivier de discussions.
– On va quand même se baigner, avec les shorty.

Alain pêche, c’est vraiment un champion que ce soit avec la ligne, ou au harpon ! ça lui arrive même de pêcher au harpon depuis le bateau, sans se mouiller. Oh, sérieux ? je m’essplique : les poissons sont friands de nos restes et s’approchent facilement du bateau. C’est là, qu’Alain entre en action, avec succès !

On écrit, on rêve… on invente sa journée au jour le jour !

Anse Amyot –Toau – le 25 juin – Ce matin, je suis allée ‘donner un coup de main’ à Valentine & Gaston qui attendaient 17 personnes pour le repas du soir : ratissage autour du snack, dégager la piste de pétanque,  éplucher oignons/carottes/ail tout en discutant avec Valentine : ‘Gaston a trouvé 7 langoustes sur le platier hier soir. Mais la marée n’était pas favorable. Moi ? j’ai grandi ici avec mes parents, mon frère et ma sœur. Ici, il n’y a pas d’autres habitants à l’année. Certains viennent parfois pour la saison du coprah ou pour pêcher, et repartent. La famille venait nous voir, ou alors c’est nous qui allions au village. C’est à 11 ans que j’ai vu mon 1er voilier dans l’anse, mais maintenant, il y en a trop. Surtout depuis 3 ans. Dès fois, il y a jusqu’à 15 bateaux.  Moi, je n’aime pas quand il y a trop de monde. Si ça continue, avec Gaston, on partira ailleurs, plus au calme’.

Il se dégage quelque chose de fort entre elle et son Tane (son homme). ‘La vie ici, c’est comme ailleurs, non ? on essaie de bien s’entendre les uns avec les autres, mais dès fois c’est difficile. Il faut toujours essayer. Mon père m’a toujours dit que c’est important de sourire, que ça rend la vie plus douce’.

Fakarava – mercredi 26 juin – Rotoava
Arrivés ce matin à 6h après une nuit de navigation –
L’atoll de Fakarava compte 850 habitants, répartis essentiellement sur 20 km le long des 60 km du lagon.

La vie dans les atolls des Tuamotu est rythmée par l’arrivée de la Goelette (le nom est resté, pour ce qui est aujourd’hui des petits cargos). La Goelette assure le lien entre l’atoll et le reste du monde. C’est par elle que les marchandises circulent. Et jusqu’à l’arrivée du téléphone portable et d’internet, c’est par la Goelette que les nouvelles se transmettaient aussi, d’îles en îles.

A Fakarava, le Cobia passe chaque mercredi à Rotoava:

L’arrivée du Cobia

C’est l’effervescence autour du quai à son arrivée, qui devient ‘le’ lieu social  de l’île, où l’on se donne toutes les nouvelles de la semaine. Chacun.ne récupère le colis qu’il a commandé ou envoyé par sa famille: qui des tuyaux, qui du matériel de pêche, qui une pièce mécanique qu’il attend depuis 3 mois…Et le bateau repart, chargé de coprah, de poissons  et de colis pour les familles.
C’est LE jour d’approvisionnement dans les 3 petits magasins de l’île, particulièrement en fruits/légumes. Les bacs de ‘frais’ sont vides à 9h, pleins à 11h et re-vides à 15h. Faut pas louper le créneau !
On fait donc la queue patiemment à 11h pour faire le plein de carottes, oignons, pamplemousses, yaourts…Pas de signe d’impatience, tout le monde est détendu.
On prend un peu plus, car on ne sait jamais si le Cobia sera bien là la semaine prochaine. Et, en effet, les conditions météos n’ont pas permis la rotation du mercredi suivant. Il faudra faire avec ce qu’on a… et on adopte le régime des Tuamotu : riz/poisson/lait de coco !

Et maintenant, direction le Sud de l’ïle, à Hirifa, où nous allons nous mettre à l’abri, avant un coup de vent annoncé.

Fakarava, samedi 29 juin – Hirifa
Le cadre est magnifique : une belle plage, une langue de sable, des camaieux de bleus sublimes ! Whoua… Il y a le Snack Hirifa, tenu par Liza – la sœur de Valentine -et son Tané.


Ce matin, j’ai donné la main à Liza : couper les filets de perroquets et préparer le poisson cru à la Tahitienne. Bon moment à discuter ensemble, de la vie de Liza, de l’activité de la plaisance qui se développe : ‘à Hirifa, le maximum de voiliers que j’ai vu, c’est 40 dans la baie’. De sa nouvelle vie ici depuis 6 ans : ‘Mon Tané (mon homme), il est venu pêcher à l’anse Amyot, chez ma sœur Valentine et c’est moi qu’il a pêché… Quand il m’a amené ici, j’ai dit c’est magnifique, on peut faire un petit snack pour les plaisanciers. Lui me disait, laisse c’est bon, on peut vivre à deux avec ma retraite de militaire, on n’a pas besoin de plus, mais moi, c’est pas la question de l’argent, c’est d’avoir une activité, c’est faire quelque chose et pouvoir être libre. De toutes façons, on travaille quand on veut, si j’en ai marre, je vais chez mes enfants, à Rotoava (capitale de Fakarava), j’ai 5 petits enfants. Je les gâte, je me repose, je regarde la télé, et ensuite, je reviens. On met 1 heure en bateau, 1h30 quand le temps est mauvais. Dès fois, on voyage à l’étranger, avec mon Tané et la famille de ma sœur ou mes enfants, ça dépend. Par exemple, on part en croisière aux États-Unis, mais je n’ai pas aimé. Je regardais tous ces gens dans la petite piscine et je pensais à mon lagon …

Cette nuit, Liza ira à la pêche à la ligne à 3h du matin avec son Tané. ‘Bien sûr que j’irai, moi j’adore mon lagon, être sur l’eau, pêcher, regarder le ciel, c’est ça ma vie’…

Liza est bien du même bois que sa sœur, Valentine : souriante, active, joyeuse, avec un caractère bien affirmé. Les femmes polynésiennes sont décidément bien vivantes.


Le cochon est déjà en train de cuire, et Giani est à la manœuvre…
On le dégustera ce soir avec 45 autres plaisanciers, français, états-uniens, canadiens, australiens, néo-zélandais, suisses… Il était vraiment délicieux de chez délicieux : il a grandi ici et comme il se nourrit essentiellement de noix de coco, cela se ressent dans le goût !

Hirifa – jeudi 4 juillet 2019

Toujours mauvais temps…
Et si je vous parlais de l’entrée en voilier dans le lagon de l’atoll, particulièrement aux Tuamutu ?
On entre toujours dans le lagon par une ‘passe’ : une ouverture dans le récif assez profonde et assez  large qui permet aux bateaux de s’engager dans le lagon. Franchir une passe peut se révéler très sportif, voir dangereux selon les conditions : il faut prendre en compte les horaires des marées,  le courant  qui peut être très puissant –entrant ou sortant-, les conditions météo et les indications des ‘locaux’ souvent précieuses,  du genre: ‘si la mer mousse, tu ne sors pas’. Et toujours : ‘de jour, la passe tu franchiras !’ –quitte à faire des ronds dans l’eau en attendant…

Régulièrement, des voiliers se retrouvent sur le récif, très souvent par imprudence : passes franchies de nuit, non prise en compte des courants, inattention, panique lorsque le ‘mascaret’ provoque des vagues violentes au milieu de la passe. Depuis notre arrivée, 2 beaux voiliers ont connu ce triste sort. Les équipages sont toujours sains et saufs, mais le bateau est la plupart du temps perdu. Mais avec le meilleur capitaine au monde à bord, ça ne devrait pas arriver. On repart demain dans l’atoll de Toau, pour quelques jours. On sera restés 10 jours à Hirifa et souvent sous le vent et la pluie…
Le soleil est revenu, la vie est belle ! Je ne mets pas beaucoup de photos ce coup-ci, pas assez de réseau, mais c’est déjà une sacrée prouesse, qui n’était pas possible il y a encore quelques mois, ici.



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